Plus souvent appelé "couvent" dans la documentation ancienne comme les cartes ci-dessous.
Cartes mentionnant le couvent
carte Gallia Christiana8 (S Martinus Lenesis), carte de Cassini, carte du diocèse d'Alet (1781 avec erreur de nommage), carte d'état Major du XIXes, carte de 1950
Traditionnellement c'est avec ce vocable que le lieu était nommé par les martinlysois eux-même jusqu'il y a peu. Puis la mode du 15 août nous a amené beaucoup d'experts qui nous ont révélé qu'on ne pouvait pas appeler "couvent" une institution d'homme. Alors le vocable "monastère" a commencé par rentrer dans les mœurs. Pour finir aujourd'hui, grâce au panneau signalétique apposé au village, par être appelé "abbaye" ce qui était au fond la destination originelle de ce bâtiment (même si en 1573 ce n'était vraisemblablement plus qu'un prieuré hébergeant une quinzaine de moines). Mais à l'époque les ruines devaient en être encore imposantes d'après les témoignages que nous avons (voir annexe 3).
Dessin du couvent par Antoine-Ignace Melling1
(voir la gravure correspondante à la page ermitage de Félix Armand)
Restes de l'abbaye de Saint Martin Lys en toute saison
...et le rabotage accéléré de ces restes
Il y a effectivement devant les restes du couvent un espace plat, jusqu'à la rivière où l'herbe ne repousse plus
Cette non repousse est vraisemblablement plus dû à l'ombre qu'à la position en ce lieu du parvis sur lequel les pèlerins s'assemblaient pour écouter le prêche de l'ermite de la troglodyte.
Pour moi, l'histoire du monastère commence dès le Ve siècle, sur les lieux d'un ancien culte celte. Sa position est caractéristique du catholicisme triomphant qui reconvertit à son avantage tous les symboles des cultes païens précédents. Ici c'est d'abord la grotte de la montagne qui parle qui devient un ermitage, puis la récupération se poursuit avec l'aménagement de l'autre rive de l'Aude (pas le choix pour construire et en plus il faut aussi récupérer le parvis de l'ancien lieu de pèlerinage...). C'est la construction en dur d'habitations pour accueillir les gardiens du temple de la nouvelle religion - des moines et donc un monastère - Monastère qui est enfin établie comme abbaye bénédictine.
Les recherches sur le net permettent de constater un nombre conséquent de donations à cette abbaye. (Peut-être que je rajouterais d'autres liens en annexe ?)
Même si l'influence de ce monastère est importante localement (paroisses dépendantes de Saint-Michel d'Artosoul (commune de Saint-Martin-Lys), de Notre-Dame de Courondes (actuellement à Cailla), de Saint-Jean de Combret (actuellement à Escouloubre) et de Saint-Stéphane de Boulude en Pays de Sault (actuellement à Marsa)4, elle reste trop isolée, au fin fond du Fenouillèdes, pour jouer un rôle politique important. Ses seigneurs "protecteurs" n'hésiteront pas longtemps à distribuer ses biens.
En résumé, très succinct :
Ci-dessous 2 extraits trouvés sur le net 3 en lien avec le sujet de cette page (d'autres extrait sont disponibles sur la page "presse")
L’abbé Mazières indique p 95 au sujet des personnes ayant entendu des voix à St-Martin Lys :
« Il paraît certain qu’il s’agit d’hallucination collective ayant sa cause dans un phénomène naturel. Un ingénieur en chef des Chemins de fer, M. Ernest Cros, décédé en 1946, avait fait une longue expérimentation à ce sujet, n’hésitant pas, à plusieurs reprises, à passer la nuit sur l’emplacement de l’abbaye. Il attribuait ces manifestations à des phénomènes d’acoustique, causés par le déplacement des couches d’air quelques heures avant le lever du jour : les couches d’air chaud montantes et les couches d’air froid descendantes provoquent des sifflements dans les failles et les cheminées des parois, le phénomène étant plus ou moins intense suivant la différence de degré entre les couches d’air supérieures et inférieures. Il comparait ce phénomène à celui de la grotte de Fingal, en Écosse, où, toutefois, les harmonies musicales sont causées, non point tellement par le mouvement des couches d’air, mais par le clapotis des vagues sur les colonnes de basalte. ».
Plus loin p 96, il note à propos du peu de murs restant du monastère : « Où sont passées ces ruines ? Où sont passées toutes ces vieilles pierres ? M. Cros avait fait une enquête ; j’ai pu la reprendre après lui : Elles ont servi à faire des murs de soutènement dans le village ; elles sont passées dans la chaussée de la route ; elles ont formé le remblai de la voie ferrée et les parois du tunnel. »... « Et, ce qui est vraiment surprenant et pénible, c’est que cette destruction a été consentie par des hommes qui avaient fait des études techniques très poussées : MM. les ingénieurs de la voie ; M. Cros, ingénieur en chef du réseau de l’État, déclarait ne point connaître de protestations d’ingénieurs du réseau du Midi. Quant à lui, il se déclarait indigné ; et j’affirme que son indignation ne venait pas du fait qu’il n’appartenait pas au même réseau que les auteurs de la déprédation ; non, M. Cros aimait les vieilles pierres et défendit, durant sa vie, le patrimoine historique de notre pays. ».
La légende de Saint Martin racontée par les arrières grands mères du village s'accorde sur :
Mais par ailleurs cette nuit du 15 août est racontée sur plusieurs sites, a fait l'objet d'un reportage de la Dépêche5. Cette année est même passé à la télé. Sur le net on retrouve souvent une histoire concordante (car écrite dans le même style avec les même éléments). N'ayant pas trouvé le site d'origine et ne pouvant les citer tous, je vous retranscris ci-dessous celui qui m'a paru le plus complet...
D’apparence calme, presque désert, saint Martin Lys a connu, à l’époque des guerres de religion, une période des plus cruelles. Tous les habitants du village auraient été massacrés par les protestants, à l’aube du 16 août 1573. Pire, les moines du monastère, n’échappant pas à la tuerie, furent égorgés comme de simples gorets, leurs corps étant jetés à la rivière, et le monastère étant, quant à lui, complètement rasé.(.?.!.)
Depuis,la végétation ne pousse plus sur l’emplacement de l’édifice(.?.!.), non loin de l’Aude, face à une falaise (ça c'est vrai), bien que, tout autour, quantité de petits jardins prospèrent (plus beaucoup... De quand date cet article ?), bien cultivés par les habitants. Il règne en ces lieux une bizarre atmosphère, faite à la fois de souvenirs passés et de réalité concrète, laquelle se manifeste régulièrement autant aux habitants qu’aux simples curieux ou touristes survenant là, à point nommé, pour essayer d’entendre, de voir, à défaut de comprendre.
Les gens du pays affirment en effet que toutes les nuits du 15 au 16 août, ainsi que celles du 1er au 2 novembre, les moines reviennent sur l’emplacement de leur ancien monastère. Ils chantent alors leur misère passée et leur chœur émerge de la nuit comme une chose éprouvante qui tend les nerfs et fait battre fortement les cœurs. Le glas d’une cloche retentit alors,syncopé,rythmant les chants religieux que d’aucuns assimilent aux pleurs des trépassés.
Le Panneau signalétique sur la place des écoles donne ces mêmes "informations"
Venant à point pour l’anniversaire de leur supplice, ainsi que pour la fête des morts, les fantômes chantants des moines sont redoutés parce qu’ils apportent, dit-on, à ceux qui ne se bouchent pas les oreilles, les pires alarmes, voire la mort.
Vers 1910, dans la nuit fatidique du 15 au 16 août, plusieurs hommes du village se rendirent sur l’emplacement de l’édifice religieux, bien décidés à élucider ce qu’ils considéraient comme une supercherie. Des chants latins s’élevèrent en effet dans la nuit. Ils reconnurent un Ave Maria Stella modulé sur un air très ancien, mais ne découvrirent aucune forme, aucun fantôme, ni d’ailleurs aucun être vivant. Les chants s’élevaient, comme sourdant de terre. On imagine comment l’expédition guerrière se transforma en débandade précipitée.
Le drame, authentifié en ce temps-là, fut que tous les participants à cette exploration aventureuse eurent, par la suite, des accidents plus ou moins graves. Depuis, lorsque surviennent les nuits fatidiques, chacun utilise différents moyens pour ne pas risquer d’entendre, et donc de devenir la proie de cette sorte de malédiction.
Certains scientifiques, interrogés, arguèrent qu’il pouvait exister dans les gorges de Pierre-Lys, un phénomène d’orgues phonolithiques revêtant l’aspect de chants, sans pouvoir pour cela tenter d’expliciter le pourquoi de ces sons uniquement aux dates précitées. D’autres n’ont pas exclu un phénomène métapsychique, et ont rétorqué que, sur le lieux où de nombreuses personnes ont péri de mort violente, il peut se produire une imprégnation provoquant des phénomènes analogues à ceux que l’on trouve dans les maisons hantées.
Quoi qu’il en soit, plus personne, à notre connaissance ne s’est vanté de s’être hasardé de renouveler l’expérience de 1910. Les moines chantants ne sont pas près d’être débusqués et la sarabande des nuits fatales se perpétue sans qu’il se trouve un audacieux pour la troubler.
(Source : Obiwi)6. (voir un complément sur la malédiction en annexe 4)
De fait les campings sauvages sur le site dans la nuit du 15 au 16 août sont courants.
Mon père m'indiquait encore la semaine dernière y avoir passé la nuit avec ma mère qui l'y avait traîné. Les jeunes du villages s'y rendaient souvent en groupe. Mon cousin me racontait qu'un père y avait amené son fils et lui avait expliqué que la montagne se comportait comme un sifflet.
Et moi-même y suis allé plusieurs fois à des heures différentes...
Ce n'est que lors de ma dernière expérience que j'ai enfin entendu un phénomène intéressant. Il faisait encore nuit, mais les hauteurs commençaient à être chauffés par le soleil. Et je me suis alors aperçu que la montagne vivait : de petits claquements, vraisemblablement causés par la dilatation, raisonnaient en face de moi sur cette falaise du Gal. Aussi je suis maintenant persuadé que l'éboulement de 1997 qui a vu s'affaisser toute la partie avant de la troglodyte est responsable du fait que nous n'entendons plus la montagne nous parler. La grande orgue qui nous fait face est maintenant cassée...
J'attribue au fait que le grondement ne soit entendu qu'à certaines dates au simple fait que personne ne se rend là à d'autres dates...
Dans la vallée de Saint Martin, tous étaient préoccupés par l’actualité. La nouvelle venait d’arriver. Le château de Quillan était en flamme, les dernières résistances étaient tombées. Un siège de plus de deux mois s’achevait. Et comme toujours, il n’y aurait pas de bons ou de méchants mais des vainqueurs et des vaincus, et comme chacun sait, malheur aux vaincus. Malgré ce qu’on pourrait croire cette nouvelle n’était pas forcément une catastrophe pour les martinlysois. En effet avec la fin du siège, la pression sur les campagnes environnantes allait sûrement baisser, les bandes de routard allaient partir ailleurs commettre leurs exactions, laissant enfin ce pays exsangue, soumis trop longtemps à leurs pillages, un peu souffler.
La vallée de Saint Martin avait su se préserver de tous ces maraudeurs en recherche de nourriture pour alimenter les troupes assiégeantes aussi faméliques que les assiégés ; à cette époque pas d’intendance, les armées en campagne se nourrissaient sur le terrain au dépend de l’habitant, et peu importe ses convictions religieuses. Les hautes montagnes avaient su protéger des tentatives d’incursion. Quelques pièges bien placés, sur les chemins habituels avaient contraints quelques téméraires, soit à renoncer, soit à perdre leur vie. Les martinlysois par leur vigilance avaient largement contribué à la sauvegarde de leur pauvre cheptel. Tous les hommes avaient participé à la surveillance, la houe au pied et, avec l’aide de la nature, avaient empêché toute invasion.
Nous sommes en 1573 en pleine guerre de religion, les huguenots ont déjà pris Alet et son évêché. Ils ont remonté l’Aude jusqu’à Quillan. Ici bloqué par la résistance des quillanais et par le fait que le cirque de Quillan est un cul de sac avec ses hautes montagnes de part et d’autres, ils se sont installés pour un siège interminable. Pas d’intérêt stratégique à prendre cette ville du bout du monde, sauf la nécessité de payer des soudards mobilisés en trop grand nombre. La guerre attire toujours la pire espèce d’homme.
Dans les vestiges de l’ancienne abbaye, le prieur responsable de la petite communauté restante a convoqué tous ses moines pour une grande prière. Il les avertit que pendant les prochains jours il sera nécessaire d’augmenter encore la vigilance. Les vainqueurs libérés de la contrainte de surveiller des murs vont se répandre partout avec la ferme intention d’accroître leur bonne fortune. Ce n’est qu’un fois ces bandes dispersées au loin que la vie pourra reprendre son cours. Il faut défendre l’Aude car avec son niveau actuel de fin d’été, il est facile de la remonter à pied, sans trop d’effort. Mais le danger peut venir de partout même des crêtes des montagnes. Les moines ne sont pas des soldats, ils prient pour les villageois qui les ont si bien préservés, mais c’est souvent la seule aide qu’ils ont su leur apporter… en dehors de tour de garde. Le prieur demande que les femmes et les enfants, et même les animaux soient éloignés des habitations de pierre qui pourraient être la cible la plus facile d’éventuels envahisseurs, les grottes seront d’excellentes caches. Les moutons seront conduits à Planèses, les femmes et les enfants de service au prieuré se réfugieront dans la grotte en face.
Si leur prieuré aujourd’hui semble si délabré, il a accueilli pendant longtemps une riche assemblée et les murs de cet ancien édifice forment une sorte de forteresse autour de son église. Mais les prieurs qui ont succédé aux abbés n’ont pas jugé nécessaire de maintenir l’intégrité de certains bâtiments abandonnés. Les murs extérieurs sont soit déjà tombés, soit trop fragile pour résister à la première sape, aussi il n’est pas question de se servir de ce lieu comme refuge.
Reste que les bâtisses qui sont encore utilisées ont gardé bonne mine, car mystérieusement les moyens pour entretenir ces lieux n’ont jamais manqué, malgré l’isolement de la vallée. Aussi des rumeurs les plus folles courent dans le pays sur la richesse présumée des moines. Toutes ne sont pas erronées, car il y a bien un trésor abandonné dans ces murs lors du déclassement de l’abbaye, trésor que des prieurs avisés ont su préserver.
Aussi après la grand-messe, conscient du danger accru que représentent les jours à venir, sachant qu’en cas d’invasion il sera le premier passé à la question, mais qu’aucun de ses coreligionnaires ne sera épargné, le prieur a convoqué le villageois dans lequel il a le plus confiance, Joseph Marcérou, pour lui confier tout le mobilier précieux du couvent et sa cassette personnelle, charge à lui de la cacher au mieux sans en rien dire à personne. Joseph est homme fidèle, même si taciturne : conscient de sa responsabilité, il part seul dans la nuit avec son fardeau. Seul, lui sait où il a enterré ce trésor. Est-ce au pied de cette croix de pierre qui est borne de séparation des champs du clergé de ceux des villageois ? Mais il n’aura jamais l’occasion de le raconter car à son retour il fut le premier à tomber sous les coups des égorgeurs.
A Quillan, dans la ville en flamme, certains baroudeurs interrogent. Ils cherchent parmi les survivants un habitant de Saint Martin. Il leur en faut au moins un pour les conduire : Attirés, qu’ils sont, par la réputation de richesse de cette vallée au-delà des montagnes et aussi pour venger les morts de leur bande, écrasés par les éboulements provoqués par les montagnards.
Dans un parc à bestiaux, on a rassemblé une vingtaine de gamins, trop jeunes pour avoir servis à la défense de la ville, mais trop vieux pour ne pas représenter un danger potentiel. Parmi eux un berger qui avait eu la malchance de conduire des bêtes au marché la veille du jour de fermeture des portes, il n’avait eu d’autre choix que de rester emprisonné derrière les remparts de cette ville qu’il ne pouvait plus quitter. Désigné comme martinlysois par un de ses camarades apeuré, il ne peut nier. Il est entraîné de force hors du corral, tiré par les oreilles jusqu’au chef de bande qui le rosse de longues minutes sans même lui adresser la parole. Ce n’est qu’une fois que le garçon cesse enfin de réclamer la pitié que les coups s’arrêtent. Ainsi mis en condition, c’est alors qu’on l’interroge. Peut-il les conduire par la montagne jusqu’à Saint Martin ? Bien sûr qu’on ne fera pas de mal aux habitants, et il aura une récompense, et de quoi manger (nourriture dont il a été privé depuis presque un mois, bouche inutile dans cette cité assiégée). Il craque, pleure et promet : oui Gabriel connaît un passage peu utilisé, qu’il ne suit généralement qu’avec ses moutons lors des saisons de transhumance.
Ce 15 août au matin, la bande s’équipe. Ils sont une quinzaine de mercenaires, toujours décidés à servir le plus offrant, mais ne dédaignant pas se payer aussi sur le tas. Chez les anciens assiégeants s’est déjà l’heure de la dispersion aussi on ne prête aucune attention au départ de cette bande (ni à la direction qu’elle prend). Elle longe l’Aude jusqu’à Cavirac et commence la grimpette au-dessus des gorges de la Pierre-lys, coté des gorges plus haut que le Quirbajou et donc beaucoup plus surprenant pour d’éventuels guetteurs. Il lui faudra toute une journée pour traverser la forêt et arriver en haut de la coulée de pierres qui descend jusqu’en bas de la vallée. En suivant le chemin de chevrier qui serpente dans ces cailloux, ils seront à découvert et ont toutes les chances de se faire repérer avant d’arriver au fleuve. Mais cette nuit d’été est une nuit de pleine lune, qui les éclairera suffisamment pour rester debout sur le sentier. Aussi ils décident de marcher dans l’obscurité. Arrivés en bas ils suivent le cours d’eau, passant au bas de l’ancien village sans même l’apercevoir (ce n’est pas Gabriel qui le leur aurait montré). Ils traversent quelques champs bien cultivés et voient enfin à travers quelques arbres qui retiennent les berges de la rivière, de l’autre côté les hautes murailles de l’abbaye. La traversée de l’eau fut facile, même si trop bruyante pour ne pas attirer l’attention de Joseph, première victime de cette équipée.
La bande tomba sur des moines encore endormis, ceux qui étaient trop vieux pour partir dans les montagnes protéger la vallée. Le monastère n’était pas gardé, il n’y avait aucune raison de monter une garde particulière, les principales richesses de la vallée ayant été cachée ailleurs. Mais les pillards l’ignoraient et surpris de premier abord de ne trouver rien de précieux, décidèrent de cuisiner ces vieillards. Rien n’y manqua, pieds dans le feu, ongles arrachés… Mais que pouvaient dire ces pauvres bougres. De rage, on les égorgea et les jeta dans l’Aude. Il était mâtine, les bâtiments brûlaient et… la cloche du prieuré ne résonnerait plus. C’est alors que de l’autre rive s’élevèrent des cris d’indignation. Amplifiés et déformés par la configuration des lieux ces cris se transformèrent en rugissement si puissant que les pillards affairés à détruire les entendirent et furent pris de panique. Ils s’enfuirent par le lit de la rivière, assurés de prendre par le chemin le plus rapide pour quitter ces lieux ; Abandonnant là Gabriel, qui lui resta pétrifié à la vue des enfants qui sortaient du troglodyte.
Le lendemain à Quillan on vit passer les cadavres des moines et du pauvre Joseph, preuves du désastre qui s’était passé en amont, traumatisant encore plus s’il en était possible la population restante. Mais de la bande de mercenaires on n’entendit plus jamais parler.
Les martinlysois quand à eux décidèrent de garder leur secret pour acquérir plus d'autonomie (et éviter de payer des taxes à des seigneurs qui jusque là ne leur avaient jamais apporté protection). Ils ont commencé à faire courir des rumeurs les plus alarmantes pour éviter de voir leur vallée à nouveau souillée.
Remarque:
Dans mon histoire, j'hésite encore sur 2 scénarios - le monastère a ou n'a pas servi de refuge aux Martinlysois => s'il a servi de refuge alors c'est la montagne seule qui a produit le grondement qui a effrayé les pillards et les corps dans l'Aude sont beaucoup plus nombreux..., le village est abandonné après (ce dernier scénario est plus réaliste, mais pour l'instant je garde le premier car je préfère (sentimentalement) la version où les habitants survivent et effrayent eux même leurs assaillants).
Si l'abbaye servit de refuge, on peut aller jusqu'à imaginer qu'il n'y avait plus de moines du tout dans ces bâtiments squattés (comme le suggère Wikipédia 4) et que ce serait les paysans qui s'abritaient dans ces lieux qui auraient servis d'exutoire aux pillards. Mais je ne peux envisager sérieusement que des moines qui connaissaient le pouvoir de cette montagne seraient partis volontairement en 1271 et au contraire je pense que la réputation du monastère était suffisamment établie pour pourvoir en nouveaux volontaires pour y rester. Et que c'est bien le désastre de 1573 qui a amené à faire fuir ce lieu transformant la bénédiction que représentait la montagne qui parle en malédiction chantée par les moines massacrés.
D'autres légendes sont associées aux moines de l'abbaye de Saint Martin.
Je vous propose celle liée à l'ancienne église Saint-Stéphane de Boulude près de Marsa, directement dépendante de l'abbaye de St Martin.
On raconte que St Martin (l'homme saint) y affronta le Diable : "St Martin était juché sur le Pech de Nadieu, entre Cailla et le Clat, au dessus de Marsa, tandis que le Diable avait élu domicile de l'autre côté du Rébenty, au Roc de la Bastounade, près de Quirbajou. On appelle ainsi ce rocher depuis que St Martin y lança son bâton, depuis l'autre rive, avec tant de force que la marque de celui-ci resta imprimée sur la roche"10.
Roc de la Bastounade - emprunte du bâton de Saint Martin
Photos transmises par Jean Lautier
Le Pech de Nadieu se trouvait sur le territoire du village de Boulude. Au Roc de la Bastounade, il y avait un château contrôlé par les seigneurs de Marsa. En 1208 Guidon de Marsa fit donation au monastère de St Martin de tout ce qu'il détenait aux alentours de Boulude dont le château de la Bastounade, qui avait un autre nom à l'époque, et un autre château également aujourd'hui disparu (Le Castel d'en Prat ?). (cf Inventaire Rocques), mais ce ne doit pas être la seule source, les archives de Belvis peut-être ? voir éventuellement avec Alain Peyrard ou Francis Poudou)
Une réinterprétation de la légende pourrait nous montrer le seigneur Guidon tenter de s'approprier des terres appartenant au monastère de St Martin, et après moultes déprédations sur ces terres être considéré comme le diable par les gens du pays. Ce seigueuriot ne tenait pas compte des avertissements de Dieu portés par les moines comme ce fut souvent le cas à cette époque pour les petits seigneurs qui essayaient de s'approprier les terres de l'église. Alors Guidon fut convoqué au monastère pour être présenté au prieur, il entendit le jugement de la montagne qui parle. Terrifié par cette voix divine, il fut convaincu de devoir abandonner ses biens à ceux qui avaient su le remettre sur le droit chemin, pour embrasser une vie religieuse.
Ci-dessous les plan et carte que Jean Lautier a publié dans la revue de la société d'Etudes Scientifiques de L'Aude 11.
Plan de l'abbaye reconstitué à partir des restes de l'abbaye cartographié en 1854
La carte de 1854 de Monsieur Viguier a été réalisée dans le cadre d'un partage des "terrains de l'ancien couvent" (voir la page qu'y est consacrée), elle se trouve actuellement dans les archives de la mairie de St Martin
Plan de Monsieur Viguier des Ponts et chaussées réalisé en 1854 pour le partage du terrain de l'ancien couvent, ayant servi de base au plan de l'abbaye (Photo Jean Lautier)
Carte des possessions du monastère de St Martin dressée par Jean Lautier
Remarque : L'église de Peyralata appartenant à St Martin a pu par certain être identifiée avec Lapradelle, plutôt qu'en proximité de St Paul de Fenouillet. Mais cette hypothèse est contredite par le fait que les alentours de Puilaurens et toute la vallée de la Boulzane étaient dépendants de St Martin du Canigou.
Le tas de cailloux empilés sur la parcelle "139" ne comporte plus aujourd'hui que le pan de mur à l'avant et un reste indéterminé coté gauche. L'amoncellement regroupe toute les pierres dont les martinlysois, ayant exploités les champs autour depuis 1854, se sont débarrassées. Les pierres taillées ont, elles, pour la plus part était récupérée pour une exploitation diverse et variées (maisons, murs de soutènement, ballast de voie ferrée...)
1 p20 de "87 dessins à la mine de plomb représentant des paysages, des monuments, des scènes de la vie pyrénéenne réalisés d'après nature par Melling. Tome 3"
2 Compte-rendu d’une recherche historique à Saint-Martin-Lys, MSASC (Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne), 4e série, t. IV, années 1960-1962 par l’abbé Maurice Mazières
3 Article "Observations sur le Rapport « Cros »" de Patrick Mensior
4 wikipédia, article consacré à l'abbaye de Saint Martin fait référence à cet article proposant un plan au sol de l'abbatiale :
5 Reportage de "La dépêche" d'Anaïs Mustière, Plutôt négatif sur le village, Mais on était tordu de rire en l'écoutant avec les personnes interviewés...
6 Le texte est copié depuis le site de jack35 "Etrange et Insolite"
7 Recherches historiques sur la ville d'Alet et son ancien diocèse par l'Abbé J.T. Lasserre
8 Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa.
9Griffe Élie. La réforme monastique dans les pays audois (seconde moitié du XIe siècle). In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 75, N°64, 1963. Actes du colloque international de Moissac (3-5 mai 1963) pp. 457-469
10Histoire de Pays de Sault - livret à feuilleter 1 p12 d'après le livre Opération Vilatges al pais - Communauté de communes du canton d'AXAT - de Francis POUDOU et Fabrice BEDOS - CIném' Aude 2000 (Fédération Léo Lagrange), (extrait trouvé aussi dans Pays de Sault par Alain Peyrard publié le 25/04/2010)
11Jean Lautier, « Le monastère de Saint-Martin-Lys », Bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude, tome XCV,1995 p 73 à 83 (document prêté par Gérard Gosselin)