Gorges de Saint Georges

Les autres gorges de L'Aude, moins longues que celle de la Pierre-Lys, mais tout aussi spectaculaires, juste après Axat en remontant l'Aude depuis Saint-Martin-Lys

Gorges de Saint-Georges 0

Photos des gorges de St Georges

En venant depuis Axat

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Au milieu des gorges, soit à 150 mètres de part et d'autre, se trouve un espace plus dégagé, volontairement creusé, protégé aujourd'hui par un filet métallique sur toute la hauteur. Etait-ce à cet endroit des gorges où les caches à mine, sensé faire s'écrouler les gorges en cas d'invasion espagnoles, étaient positionnées ?

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En venant de Roquefort ou de Gesse

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A la sortie des gorges, coté Axat se trouve la résurgence d'une source, 2 tuyaux guides l'eau (il y en a un autre qui n'apparaît pas sur la photo). Le temps que je prenne la série de cliché sur les gorges j'ai pu voir au moins 5 voitures s'arrêter pour prendre de l'eau (sans compter les piétons...). Certaines avaient la malle pleine de bidons.

Vidéos montrant les gorges de St Georges

Revue de presse

Le Quotidien du 20 avril 1841

« Venez voir les roches de Saint-Georges ; autrefois elles formaient la vallée ; il fallait pour en sortir se jeter à la nage dans l'Aude, on y a établi depuis peu une route muletière, au grand avantage du commerce »
Ricardoz ne nous avait pas trompés. Les roches de Saint-Georges parurent l'emporter sur tout ce que nous avions vu. La Peirelissa même est moins pittoresque et moins variée. Les Parisiens pourront juger, car un paysagiste distingué, le comte de C .... a reproduite ces grandes et sauvages beautés, sous tous les aspects, et j'espère que ses charmans tableaux, bien dignes de son maitre Hubert, feront au printemps prochain l'ornement du Salon.
Nous étions sans cesse dérangés par des files de mulets chargés de meubles, de provisions et de personnes de tout âge ; elles allaient aux bains d'Escouloubre et de Carcaninés, réputés miraculeux pour les douleurs ; mais les indigènes seuls jouissent du bienfait de ces eaux ; personne n'a osé fonder un établissement confortable dans ces retraites reculées, à cause de la difficulté d'y parvenir. Faute de route, ces précieuses sources de santé que la cupidité n'a point altérées, ne sont fréquentées que par les montagnards.
Les roches de Saint-Georges seraient de rudes cellules pénitentiaire. Leur profond silence, interrompu seulement par le clapotement de l'eau, leur hauteur prodigieuse, le vol des oiseaux de proie, la rareté du soleil, peuvent également inspirer le repentir et le désespoir ; mais rien n'est plus beau à voir... en passant. De l'une de ces gorges profondes, on aperçoit les restes d'un ermitage. « Regardez bien, nous dit notre guide, c'est la vieille chapelle de Vayra. Dans l'autre siècle, les pâtres virent un homme qui se dirigeait de ce côté-là ; il était grand, portait la tète haute, marchait fièrement, revêtu d'un large froc et le capuce rabattu sur le visage, si bien que les pâtres eurent peur ; il le voyait faire des efforts pour relever les pierres écroulées et s'y ménager un abri mais il s'y prenait maladroitement, et ils comprirent bien à ses mains blanches que c'était là un travail nouveau pour lui. S'enhardissant peu à peu, ils lui offrirent leur aide et du laitage ; il accepta d'un signe de tête et paya avec de l'or. On le voyait souvent prosterné se frappant la poitrine à grands coups. Cela vint aux oreilles de l'évêque d'Alet qui lui fit dire qu'il désirait le voir. I1 ne tint aucun compte de cette invitation . Puis enfin, le prélat venant faire sa tournée pastorale, et pensant bien qu'il y avait là-dessous quelque mystère, lui envoya un de ses grands vicaires. L'Ermite consentit à le suivre, à condition qu'il garderait son capuce baissé et ne parlerait à personne qu'à son supérieur. Cette convention faite, il se rendit au château d'Axat ; tout le monde sortit du salon ; on prétendit avoir entendu d'abord des sanglots. La conférence fut longue ; l'Ermite sortit en chancelant ; la figure de l'évêque exprimait à la fois l'horreur et la pitié. Nul n'osa l'interroger. Huit jours après, le prélat reçut un billet qui le déliait de sa parole. Le solitaire était parti ; c était le chevalier de Ganges, l'un des assassins de la malheureuse marquise de Ganges sa belle-sœur ; on ne le revit jamais ; il fut se faire tuer au siège de Candie.


Journal des haras, des chasses et des courses de chevaux de juillet 1852

puis les gorges Saint-Georges, dont les belles horreurs surpassent encore celles de la Pierrelis. Les pieds de nos chevaux (nous avions laissé la petite voiture à Axat) résonnaient sur le roc, et les cingles ou merles d’eau, aux ailes de jais, au poitrail d’argent, s’envolaient devant nous en poussant leur petit cri sauvage.


Stations thermales de l'Aude. Rennes-les-Bains, Campagne, Alet de 1874

Au-delà d'Axat, et après un trajet de 3 kilomètres, on arrive aux Gorges de Saint-Georges, magnifique défilé taillé dans la chaîne d'Aiguesbonnes pour le passage de l'Aude, et qui répète, plus au sud, la disposition du défilé de Pierre-Lis, creusé dans la chaîne de Saint-Antoine. Les gorges de Saint-Georges se distinguent toutefois par le plus grand rapprochement des montagnes en regard, que l'Aude seule sépare à leur base ; par leur plus grande élévation et leur coupe plus véritablement à pic. La route suit la rive droite de la rivière. Pour la tracer, il a fallu, là encore, la tailler dans le roc vif, au flanc de la montagne, en la laissant surplomber en demi-tunnel sur la tête des voyageurs. Rien ne saurait rendre l'impression, mêlée d'une sorte de crainte, que l'on éprouve en franchissant ce merveilleux passage, moins prolongé d'ailleurs que le défilé de Pierre-Lis.


01 mars 1877 - Une excursion dans les Vallées de l’Aude et du Rébenty (deuxième partie) Gazette des Pyrénées : journal de Pau, chronique des eaux thermales, paraissant tous les samedis

Ici nous arrivons en pays connu, et bientôt, au célèbre défilé de Saint-Georges. Décrire ce passage est impossible; il faut avoir vu ces deux murailles grises, dans la paroi desquelles la route a dû être entièrement taillée en demi-tunnel, pour se rendre compte de l’émotion profonde que l’on éprouve en pénétrant dans la pénombre de ces gigantesques rochers. C'est écrasant, et je ne puis encore distinguer si c’est un sentimeut d’admiration ou bien une sensation de stupeur que m’a causé ce grandiose et sombre défilé. Ce dont je suis certain, c’est que les deux fois que je l’ai traversé j’ai éprouvé un sentiment de bien être en entrant dans le vaste et lumineux bassin d’Axat.


Les Pyrénées inconnues : le Capsir et le Donnezan de 1879

La route, toujours en corniche au-dessus de la rive droite, se continue pendant quelques kilomètres ; puis elle descend presque au bord du torrent et devant nous se dresse brusquement une énorme muraille de plusieurs centaines de mètres de haut, nue et aride. Cette muraille, formée par les contreforts de la montagne du Bac d'Estable ( 1,512 m.) dont le sommet en plateau est couvert d'une magnifique forêt, se prolonge jusqu'au bord même de l'Aude, ne laissant pas, par conséquent la moindre place pour la route. Il a fallu ici creuser un tunnel sous la montagne, et on comprend sans peine de quelles difficultés ce beau travail a été entouré. Il n'est pas davantage utile de décrire le singulier aspect qu'offrent l'entrée et la sortie de ce souterrain, après une série d'étroits couloirs qui ont fait donner à ce lieu le nom de Gorges de Saint-Georges.


Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies (1890-1905)

En aval de Gesse, l'Aude reçoit l'Aiguette ou Guette, torrent aux cluses profondes, et, aussitôt après le minime élargissement de ce petit bassin, elle se heurte aux roches du célèbre défilé de St-Georges « Décrire ce passage est chose impossible; il faut avoir vu ces deux murailles grises, dans la paroi desquelles la route a dû être entièrement taillée en demi-tunnel, pour se rendre compte de l'émotion profonde que l'on éprouve en pénétrant dans la pénombre de ces gigantesques rochers. C'est écrasant, et l'on ne sait pas bien distinguer si c'est un sentiment d'admiration ou bien une sensation de stupeur que cause ce grandiose et sombre défilé. Ce qu'il y a de certain, c'est que lorsqu'on en sort, on éprouve un sentiment de bien-être en entrant dans le vaste et lumineux bassin d'Axat. »


Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude de 1891

Nous arrivons à Axat où nous nous reposons un moment pendant que le conducteur change ses chevaux ; quelques instants après avoir repris notre course, nous atteignons les admirables gorges de St-Georges. Dans ces gorges, l'espace pour l'Aude et pour la route est des plus restreints ; la montagne semble se joindre au-dessus de nos têtes et défendre au soleil de pénétrer dans cet antre. Spectacle vraiment grandiose et sauvage à la fois !


Revue du Midi du 01 janvier 1892

Les gorges de Saint-Georges (Canton d’Axat, départ., de l'Aude. — Ces gorges, bien connues des touristes, sont une des curiosités remarquables de l’Aude.), que nous avons eu le plaisir de visiter naguère, distantes de trois kilomètres d’Axat, seraient de rudes cellules pénitentiaires. Leur profond silence, interrompu par les seuls mugissements de l’eau, la rareté du soleil, leur hauteur extraordinaire feraient sûrement un repentant ou un désespéré. C’est un spectacle véritablement grandiose ! De l’une de ces gorges profondes, on aperçoit encore aujourd’hui les restes de la petite chapelle de Vayra et de l’Ermitage qui s’y trouvait annexé.


Le Vigneron narbonnais du 02 janvier 1892

Nous sommes aux gorges de Saint-Georges. Je n'essaierai pas de vous décrire ce gigantesque amoncellement de roches dont la hauteur donne le vertige. Au fond de cette fantastique coupure dont les parois à perte de vue suspendent sur nos têtes l'éternelle menace d'un irrésistible écrasement, l'Axat aux flots clairs gronde, chante ou murmure. Un courant d'air d'une fraîcheur délicieuse circule dans l'étroit couloir où jamais ne descendit le moindre rayon de soleil.
Et cependant dois-je l'avouer, il me semble avoir respiré plus à l'aise quand je me suis retrouvé dans l'aveuglante fournaise de la grand'route, sous les rayons implacables du soleil de juillet.


Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude de 1899 Excursion aux Gorges de SAINT-GEORGES près d'AXAT (Aude)

La spéléologie ou science des cavernes est fort en honneur depuis quelque temps. Elle a été surtout mise à l'ordre du jour par les explorations souterraines et les écrits de M. E.-A. Martel.
Son livre Les Abîmes constitue maintenant la base d'où partiront tous ceux qu'intéresse l'étude des cavernes, soit pour en dégager les données des problèmes géologiques, soit pour y pratiquer des recherches paléontologiques.
Afin de satisfaire ma curiosité, à ce double point de vue, j'ai profité d'un court séjour chez des parents à Axat (Aude), pour visiter les célèbres Gorges de Saint-Georges, situées aux environs et sur le territoire de ce chef-lieu de canton : elles sont classées parmi les plus grandioses des Pyrénées.
Nous partîmes le dimanche, 9 septembre, à 5 heures du matin, par un temps humide et froid: le vent marin — l'autan de Toulouse — soufflait en tempête. La petite caravane comprenait trois personnes. Mon neveu Barthélémy et moi nous étions montés à âne, mode de transport indiqué par mon âge et par les difficultés du trajet : le domestique Gironi nous servait de guide, à pied.
Une heure après nous étions arrivés au col de Saint-Georges, sur la rive gauche de l'Aude. Il fallut mettre pied à terre ; on entrava les ânes qui ne pouvaient plus nous servir, à l'abri du vent, auprès de la route forestière dont nous avions suivi les lacets. Pendant cette opération Gironi nous a montré, à la fourche même du col, une sépulture antique, découverte et démolie par les ouvriers qui travaillaient à la route forestière, il y a une douzaine d'années. Il faisait partie de l'équipe.
« Le cadavre, dit-il, était allongé dans un encadrement de feuilles d'ardoise ». Il nous en montra des débris, avec des fragments d'ossements. Nous étions alors à 120 mètres au-dessus de la rivière, dont le lit se trouve à l'altitude de 430 mètres ; il restait à gravir la pente la plus pénible de l'ascension, pour arriver au pic qui nous dominait de 50 mètres.
Plus de route ; pas même un sentier. Force fût de suivre, à travers les buissons et les chênes-verts rabougris, les coulées faites par les chèvres et les moutons qui seuls fréquentent actuellement ces parages déserts. Les pierres se dérobaient parfois sous nos brodequins ferrés, comme une avalanche. On s'accrochait vite aux brindilles des arbustes pour enrayer la dégringolade, puis l'on recommençait l'assaut.
Nous parvenons enfin à un petit plateau, entre deux pitons de roches dénudés et corrodés par les tempêtes, l'un au levant, l'autre au couchant.
L'œil y est agréablement surpris par la vue d'une grotte et du chœur en ruines d'une antique chapelle. La construction est bâtie en pierres ouvrées, de petit appareil, mais sans alignements de briques. Etait-ce un oratoire Gallo-Romain ou Carlovingien ?
Il était d'ailleurs peu important, à en juger par ce qu'il en reste : la partie orientale, la mieux conservée, forme un demi cercle. Elle surplombe de 170 mètres le torrent dont on entend les mugissements bruyants, mais qu'on ne voit pas.
Des alignements formés de débris de maçonnerie marquent, ça et là, l'emplacement des murs des habitations annexées à la chapelle. On les suit sans peine, sous le maquis des broussailles qui les recouvre.
On remarque sur le versant nord un champ en friche, fortement incliné ; Gironi nous apprend que c'était le cimetière de la petite communauté ; quand on le cultivait à la pioche, seul instrument possible sur cette déclivité, on mettait à jour de la ferraille et des débris d'ossements ; il y a travaillé lui-même.
La tombe du col doit avoir une origine bien plus ancienne ; on trouve, du reste, des sépultures semblables au col de Campérié, à l'autre bout de la vallée d'Axat, et à d'autres passages de même nature, dans diverses contrées.
C'est à ce col de Saint-Georges que passait la voie militaire Romaine la plus directe de Narbonne à Puycerda (Espagne). Les légions de Manilius, le prédécesseur de César dans les Gaules, se dirigeaient vers la vallée du Sègre, pour pénétrer en Espagne, lorsqu'elles furent attaquées et défaites, par la confédération des Sotiates, à un point de cette route à déterminer.
Certains auteurs ont prétendu que ce peuple habitait le pays situé entre Eauze et Bazas ; d'autres le placent dans la vallée de l'Ariège. Les Commentaires du conquérant des Gaules sont le seul juge autorisé en pareille matière.
Or, il y est dit que l'armée de Manilius se rendait de Narbonne sur les bords du Sègre. Le plus court chemin n'est il pas celui qui longe la vallée de l'Aude ? Cette rivière se jette à la mer près de Narbonne et prend sa source à 3 kilomètres de celle de la rivière d'Angoustrine (bassin du Sègre).
D'autre part, César ajoute que la contrée où les Sotiates arrêtèrent, pendant vingt ans, les aigles Romaines, touche au territoire des villes de Toulouse, Carcassonne et Narbonne : finitimae his regionibus. I1 vante leur cavalerie : equitaluque quo plurimum valebant.
Les plateaux de la haute vallée de l'Aude satisfont à ces deux conditions (Pays de Sault, Donezan, Capcir, Cerdagne).
Ils forment le sommet du triangle, à peu près isocèle, dont la base est arrêtée aux points extrêmes de Toulouse et de Narbonne, en passant par Carcassonne.
C'est, en outre, une contrée d'élevage de chevaux. La race de la Cerdagne jouit toujours d'une haute réputation.
On voit encore de beaux restes de la voie Romaine à 2 kilomètres en amont du col de Saint-Georges, avant d'entrer sur le territoire du Clat. Cette route, dite des cols ou des plateaux, suivait la vallée, par Gesse, jusqu'à Usson ; elle montait ensuite à Rouze, au Pla, à Quérigut (Ariège), au col des Ares (1600 m), descendait à Fourmiguières (Pyrénées Orientales), franchissait le col de Castillou (1716 m) et entrait, après Montlouis, dans la vallée du Sègre, au col de la Perche (1.622m.).
Quelques points étaient fortifiés : on voit encore des restes de ces postes sur son parcours, notamment à Fourmiguières, Usson, Gesse, Nentillas (commune du Clat), Axat, St-Martin-Lys. Le col de Saint-Georges était facile à défendre : son importance justifiait l'établissement d'un poste militaire au point culminant, où sont situées les ruines.
Quoiqu'il en soit, les habitants de ce fort, ermitage ou petit couvent, ne pouvaient être bien nombreux, à en juger par l'emplacement des débris. C'est la grotte qui a été, certainement, l'abri naturel du premier occupant de ce point élevé, l'homme préhistorique.
Les constructions sont venues avec le développement de la civilisation ; en ce moment-là, des travaux de main d'homme ont rendu la caverne inaccessible, pour en faire un réduit. Mais comme l'ouverture n'est qu'à deux mètres du sol, il nous a été possible de l'escalader, en nous aidant mutuellement ; elle regarde le couchant.
Le seuil est marmoréen et très glissant, soit par suite du passage des eaux, soit par l'user naturel du fait des occupants. On pénètre jusqu'à 10 mètres sans se baisser ; nous avons creusé la un trou qui nous a donné quinze centimètres de stalagmite d'abord, puis quarante centimètres de sable fin et, au-dessous, une terre jaunâtre et pulvérulente.
Enfin, à 75 centimètres du plancher stalagmitique, nous avons découvert un débris de bois calciné et une dent canine humaine, dont la table était usée. Cette trouvaille a confirmé nos prévisions : la grotte a été habitée par l'homme préhistorique.
Nul doute que des fouilles moins superficielles n'en fournissent des preuves plus amples. Pour nous, faute de temps, nous avons dû borner là nos recherches. Nous éprouvions le besoin de nous réconforter.
L'air est très vif sur ce plateau fortement ventilé ; d'ailleurs nous étions levés dès l'aube. Nous avons donc étalé sur un banc de pierre, aménagé de main d'homme dans la masse calcaire, les petites provisions apportées sur la croupe de l'âne, dans ma vieille besace de campagne.
Inutile de dire qu'il a été fait honneur au menu, composé d'oeufs durs, de saucisson et de fruits, le tout copieusement arrosé par le petit vin du crû.
Le premier effet de ce clairet capiteux a été de délier la langue du domestique : il nous a raconté une légende, transmise d'âge en âge par les anciens du village voisin d'Artigues, d'où il est originaire.
« Quand le monastère fut détruit, au cours des guerres du vieux temps, le supérieur réussit à cacher, au fond de la grotte, la cloche de la chapelle et le trésor des moines ; celui ci, composé de pièces d'or et d'argent est enfermé dans la grande oule (marmite) de la communauté.
« Or, ajoute Gironi avec conviction, la grotte est dans le terrain d'Artigues, puisqu'elle est située au couchant du pic qui délimite les deux communes ; si donc on y trouve l'oule, elle appartient aux gens d'Artigues. »
Mais Barthélémy proteste ; d'après lui, la limite passe entre les deux pitons et laisse la grotte à Axat. Je clos l'incident en opinant que la question sera tranchée lorsqu'on aura trouvé le trésor. Gironi est revenu souvent sur cette légende, au cours de l'excursion ; a-t-il eu la pensée que nous la connaissions et que nous cherchions à nous approprier la fameuse oule ? C'est probable, le paysan est si méfiant. Il ne serait pas étonnant qu'il revînt seul, la prochaine nuit, afin d'achever le travail du trou commencé que, d'après lui, j'aurais interrompu pour y retourner, en dehors de sa présence, afin de le frustrer de sa part de prise.
Le cadre naturel de notre salle à manger est ravissant ; le sol a été remanié par l'homme, ainsi qu'une partie de la muraille rocheuse qui nous garantit du vent marin. Devant nous se développe, en éventail, un splendide cirque de hautes montagnes, chevauchant les unes sur les autres, coupées de ravines profondes, maculées de larges taches par la sombre verdure des bois de sapin et percées, çà et là, par des aiguilles rocheuses de plusieurs centaines de mètres d'élévation : la plus voisine, celle du Clat, est à l'altitude de 1250m.
La rivière d'Aude sert de nervure centrale à ce paysage grandiose : ses grondements incessants troublent seuls le silence de cette solitude dévastée. On est saisi par une vague idée qu'autrefois la montagne, en travail de nouveaux reliefs, à secoué ses sommets et a été démantelée, comme un immense temple qui s'effondre. Quelques pointes ont résisté ; elles s'alignent, en forme de clochetons, tout le long d'une crête crénelée, pour atteindre 1512m d'altitude, au sommet d'Estable : mais leurs assises ont été disloquées, leurs flancs crevassés et déchiquetés par ce cataclysme Titanique. Tels les rochers dolomitiques de Bautzen (Tyrol).
Les dernières perturbations géologiques qui ont fracturé cette chaîne remontent à l'époque nummulitique ; depuis, l'action des eaux a complété la mise au point, par des érosions ininterrompues.
L'horizon extrême est barré, au Sud-Ouest, par la noire forêt de Navarre. Cet énorme rempart de 1606m de hauteur, est le contre-fort avancé du massif de Madrés (247im) ; ses pieds sont baignés par le confluent de l'Aude et de l'Aiguette.
Dans les précipices de Navarre se trouvait le repaire d'une bande d'ours, qui infestait le pays jusqu'à la forêt des Fanges.
Le dernier a été tué, en 1856, par le meunier d'Axat, dans un étroit ravin du bois des Aliès, que Gironi nous indique, à 15oo mètres de nous seulement.
La méthode intensive, appliquée à l'exploitation des forêts, a expulsé des Pyrénées Orientales ces carnassiers, amis de la solitude. On n'en voit plus, depuis 40 ans, que dans l'arrondissement de Saint-Girons, au delà de la rive gauche de l'Ariège.
Les loups eux mêmes ont disparu, depuis 1870. Par suite, les sangliers et les chevreuils sont revenus, surtout dans la forêt du Bac Estable.
Le spectacle changé si l'on fait l'ascension, assez périlleuse, du pic opposé à celui de la grotte. Le regard s'arrête, d'abord, sur le torrent qui jaillit, en écumant, du fond de la gorge et débouche dans le riant vallon d'Axat ; il se repose ensuite sur des croupes arrondies et cultivées, dues à la période du gault (terrain urgo-aptien et albien) ; il est arrêté, au Nord-Est, par la ligne des rochers bordant la forêt des Fanges et formant le défilé de la Pierre-Lys. Cette ligne, comme celle de Saint-Georges, suit la direction sensiblement Est-Ouest.
A vingt pas, dans le piton d'en face, s'ouvre l'entrée de la grotte déjà visitée, ainsi qu'une foule de fenêtres ou lucarnes, de forme et de grandeur diverses. Ces dernières sont inabordables, du moins par l'extérieur : il en est peut-être autrement, par l'intérieur, qui doit être plus ou moins creux, tantôt dégagé, tantôt étranglé.
On sait que les cavités de tout genre dont les roches calcaires sont ordinairement perforées proviennent primitivement des fractures du sol bouleversé tour à tour par des exhaussements et des effondrements. Ces dislocations ont produit les plissements, cassures et renversements qu'on remarque sur la croûte terrestre : leur tassement imparfait a amené des voûtes irrégulières. Ces excavations ont ensuite subi l'action dynamique de l'élément liquide et des matières solides qu'il entraînait dans son cours, pendant l'époque glaciaire principalement. L'effet combiné de l'acide carbonique et des eaux d'infiltration agit encore tous les jours sur ces amoncellements rocheux et leur fait subir d'incessantes transformations, mais à un degré atténué ; de là, la production ininterrompue des stalactites, stalagmites, etc., etc.
La forme des cavités ou cavernes dépend donc de la direction des eaux : la chute de la masse liquide de haut en bas produit un entonnoir, la pointe en bas; le jaillissement de bas en haut, détermine un éteignoir, la pointe en haut.
Les gorges des montagnes ont la même origine ; mais ici les eaux ont en plus une action mécanique, dans une direction oblique se rapprochant plus ou moins de l'horizontale. Ce sont donc des cavernes à ciel ouvert ; leur histoire est la même que celle des grottes.
Le cours d'eau qui les creuse se comporte tout à fait comme une lame de scie qui attaque un morceau de bois : quand il est assez rapide pour charrier beaucoup de matériaux solides, sable, gravier ou galets, il peut opérer d'une façon exclusivement mécanique et entailler le granit aussi facilement que le marbre.
Quels effets gigantesques ont dû produire les énormes masses liquides et solides mises en mouvement pendant l'époque glaciaire. Les lignes parallèles de rochers qui constituent les défilés de Saint-Georges et de la Pierre Lys sont formées par le terrain crétacé-inférieur : celui-ci repose quelquefois sur du calcaire noir (silurien ?), dont les affleurements émergent du lit de l'Aude, à l'entrée septentrionale des gorges de Saint-Georges.
Çà et là, l'on rencontre des roches métamorphiques, dues au voisinage des éruptions granitiques de Salvezines, Counozouls et Roquefort : on remarque même un banc de terrain houiller au bas de la forêt de Navarre, à 4 kilomètres en amont.
Mais l'heure avance. Il nous reste deux grottes à visiter, à cent mètres au-dessous du petit plateau, sur le bord du ruisseau des Aliès.
La descente s'effectue plus rapidement que la montée, mais elle est aussi plus désagréable et plus dangereuse ; les excursionnistes devraient être toujours jeunes ! L'un de nous trois ne l'était plus, hélas ! Et il s'en est bien aperçu. Il faut savoir vieillir !
Nous entrons d'abord dans une caverne spacieuse et d'accès facile (Gironi affirme qu'elle peut contenir 200 moutons), mais elle est très humide. Le sol est recouvert d'une épaisse couche d'humus.
Dans un pli, près de l'entrée, s'ouvre un puits naturel, abîme ou gouffre, d'abord assez praticable. Mais notre descente est bientôt arrêtée, faute de lumière. Dans son langage du pays, Gironi appelle cette perforation un barrenc : ce nom correspond à celui de gouffre, de lindoul ou d'aven, dans les causses du Tarn et des Cévennes, ou à celui de canon ou canion en Amérique.
On affirme que ce barrenc communique avec la rivière : les pierres que nous y précipitons roulent, en effet, pendant un certain temps ; mais on ne peut rien préjuger.
Le domestique ajoute qu'à Resclauze, de l'autre côté de l'Aude, se trouve un barrenc bien plus considérable ; on y a précipité des troncs d'arbre, débités pour le traînage ; ils ont produit, dans leur chute, un grand fracas, prolongé pendant plusieurs minutes.
Un autre puits, en forme d'entonnoir, semblable à un large cratère de volcan éteint, s'ouvre au centre du plateau d'En Malo. On l'appelle le trou de la neige, parce qu'il en conserve toujours dans ses profondeurs, inaccessibles au soleil. Cette glacière naturelle est l'unique ressource du bûcheron et du charbonnier, attendu qu'il n'y a pas de fontaine sur ce plateau, le plus élevé de la contrée (1.470m.).
La seconde grotte, à dix mètres plus bas ne présente rien de particulier ; elle est de moitié plus petite que la précédente. On remarque en face, de l'autre côté du ruisseau des Aliès, une poche de minerai de fer en grains, mise à nu par des érosions millénaires. On sait que ces cavités ont été constituées, dans les terrains sédimentaires, par l'infiltration des eaux provenant, en grande partie, du ruissellement consécutif aux pluies et agissant sur le calcaire de haut en bas.
Le minerai s'y est placé au fur et à mesure que la poche s'est creusée ; c'est-à-dire qu'il représente le résidu de la dissolution du calcaire encaissant, ou le produit d'une double décomposition entre ce calcaire et un liquide corrosif de constitution convenable.
Nous n'avons pas eu le temps de pratiquer des sondages dans ces deux grottes. Notre exploration n'est, cette année, qu'une sorte de reconnaissance topographique. La découverte d'une dent humaine, dans la grotte de la chapelle, nous suffit pour conclure à l'existence de l'homme préhistorique dans la contrée. Il a dû fréquenter tous les abris similaires.
On rencontre chez quelques habitants des villages et hameaux de la contrée des haches en serpentine ou en quartzite, de l'âge de la pierre polie, qui sont conservées comme des reliques ou des amulettes.
Ce fait atteste que l'homme préhistorique a occupé le pays, au moins pendant l'époque néolithique ou Robenhausienne (V. CH DE MORTILLET). Or les cavernes ont été son abri naturel, primitivement. On peut donc espérer qu'en les fouillant on y trouvera les mêmes documents historiques que dans celles de Tarascon (Ariège). Des recherches complètes seront faites lors d'une prochaine exploration, avec des moyens plus appropriés.
A neuf heures et demie, fatigués surtout par la violence du vent marin, nous avons enfourché notre paisible monture et remis le cap vers Axat.
Gironi nous a quittés ; il prétendait qu'en prenant la traverse il arriverait assez à temps chez lui, à Artigues, pour entendre la messe de onze heures. Le trésor lui trottait, sans doute, dans la cervelle ; il avait hâte d'en parler aux siens, afin de concerter des mesures de préservation. Je lui ai volontiers accordé la permission de la journée, dût-il employer ce temps à bouleverser la grotte explorée.
En descendant la route forestière on remarque deux ouvertures sur la face du rocher de Saint-Georges qui regarde le Nord. La première est située à environ 80 mètres au-dessus du torrent ; elle a l'aspect d'une grotte ordinaire : son accès paraît difficile. Barthélémy ne la connaissant pas, ne peut fournir aucun renseignement sur l'intérieur.
L'autre grotte, produite par une grande entaille dans la roche, à une vingtaine de mètres au dessus de l'Aude, forme ce qu'on appelle un abri sous roche, plutôt qu'une caverne. Le berger communal, à ce que dit Barthélémy, y abrite son troupeau de chèvres contre les orages qui le surprennent aux environs.
- Il y aura encore là matière à sondages et à fouilles, lors de l'excursion projetée pour une autre année.
Ainsi se termina la première partie de la visite aux gorges de Saint Georges ; nous n'avions examiné que les sommets, il restait à voir les gorges proprement dites.
Ce fut l'objet d'une seconde excursion, faite le lendemain, avec mon neveu Barthélémy seulement.
Nous suivîmes la route nationale n° 118, d'Alby en Espagne, qui passe sur la rive droite de l'Aude, avant d'arriver aux gorges ; commencée sous la Restauration, cette route n'a été terminée qu'en 1890.
Elle cotoie toujours le cours de l'Aude, tantôt sur une rive, tantôt sur l'autre, depuis Quillan jusqu'à Puyvalador (Pyrénées-Orientales). La vieille voie Romaine, dite des Cols ou des Plateaux, qu'elle a remplacée, est à peu près perdue, sur les parcours où l'on n'en fait plus usage pour les relations purement locales.
Avant d'entrer dans le défilé on passe, non sans inquiétude, devant le Canal des Esportes. Il domine la route d'une hauteur de 500 mètres et projette, parfois, des blocs de rochers jusque sur la chaussée. On appelle Canal, dans le pays, un ravin presque à pic, par lequel roulent, en avalanche, les pierres détachées des escarpements qui le bordent et le dominent.
Ces éboulements proviennent de l'action de l'eau congelée qui forme coin dans les fissures du rocher et les désagrège. La cause du phénomène est connue : le maximum de densité de l'eau étant de + 4°, le liquide qui se glace dans un vase non élastique y occupe plus de place et le fait éclater.
Les approches d'un Canal en montagne sont donc particulièrement dangereuses à l'époque du dégel.
Mais voilà que la route se glisse dans la gorge, entre deux énormes piliers calcaires. Le jour s'assombrit ; on ne voit plus au-dessus de sa tête qu'une bande irrégulière du ciel.
La voie est taillée dans le roc vif, à quatre mètres au-dessus du torrent.
Souvent l'auvent du rocher supérieur cache le ciel et garantit de la pluie. On circule entre deux murailles immenses de roches grises, déchiquetées et fendues comme par la hache d'un géant. C'est une entaille énorme, d'une hauteur de 170m, dans la montagne.
Sur les murailles verticales des arbres tortueux se sont accrochés aux fentes : leurs panaches clairsemés se penchent et flottent bizarrement aux saillies du roc, sous la poussée d'un vent violent et ininterrompu.
Le défilé, en serpentant, semble parfois se fermer ; on cherche l'issue des yeux, avec inquiétude. Il a 800m de long; vers le milieu il existe un autre Canal d'avalanches de roches, plus dangereux que celui de l'entrée. Un passant y fut tué d'un coup de pierre à la tête, il y a une trentaine d'années.
Et tout le temps on est assourdi par les grondements du torrent : « Il se tord dans un étroit corridor de roches, que le soleil de midi n'atteint pas toujours ; il se glisse sous les corniches, bouillonne dans les excavations que ses remous agrandissent toujours, blanchissant d'écume, à chaque pas, la pierre lisse.
« Son allure tourmentée, ses soubresauts furieux, ses reflets changeants donnent l'idée d'un serpent blessé, cherchant son salut dans la fuite.
« Aussitôt qu'il a échappé à l'étreinte de la gorge, le torrent s'apaise et vient, rivière limpide et douce, frétiller lentement, près du bord, en remous diaprés. Elle s'étale sur la roche large et polie de son lit, jouissant en paix de la liberté conquise. » (TAINE. Voyage aux Pyrénées).
Elle semble reprendre haleine, pour livrer un dernier assaut à un seuil calcaire noir (silurien), qui barre son cours à 50 mètres en aval.
Dans ses études géologiques (1887), M. Viguier appelle cette roche : « Calcaire primitif de Charpentier ». Ses observations ont porté principalement sur les gisements de Rodome et de Gincla. Il croit, en outre « à l'existence d'une zone granitoïde, au-dessous du gault de Quillan et d'Axat ; on y a signalé des pointements de roches granitiques et des lambeaux de gneiss. »
En ce qui concerne la vallée d'Axat, ces affleurements seraient en relation avec le fait d'un suintement sulfureux et froid, qui coule dans le lit du ruisseau d'Artigues, à 400 mètres de son confluent avec l'Aude et à 2 kilomètres des gorges de Saint-Georges.
La présence de ce suintement dans le terrain crétacé albien n'a rien d'étonnant. L'on sait que les sources minérales froides ne sont que des dérivées des sources chaudes ; elles doivent leur basse température à leur éloignement du canal d'amenée du centre de la terre.
D'après M. le Dr Garrigou, professeur d'hydrologie à la Faculté de médecine de Toulouse, « ces sources froides sont les plus sulfurées des Pyrénées. L'alcali, qui joue le principal rôle dans la composition de ce sulphydrate, est la soude.
Les sources sulphydriquées naissent toutes dans les terrains secondaires. Elles sont froides. Leur principe sulfuré primitif est le sulfure de calcium. Mais comme ce sel ne peut exister à l'état soluble que sous la forme de sulphydrate de calcium, il s'ensuit que le monosulfure primitif est décomposé par l'eau.
« Il se forme constamment du sulphydrate qui perd spontanément son acide sulphydrique ; c'est pour cette raison que les eaux sulfurées calciques ont une odeur d'œufs couvés, plus forte encore que celle des eaux sulfurées. »
Le suintement sulfureux d'Axat est situé aux distances suivantes des sources sulfurées thermales les plus voisines :
A 19 kilomètres d'Usson ;
A 23 kilomètres de Carcanières (Esparre) ;
A 25 kilomètres d'Escouloubre (Bonnail).
L'eau, en s'écoulant, abandonne sur la roche une matière albumineuse blanchâtre, semblable à la barégine des sources chaudes rappelées ci-dessus. L'odeur d'œufs couvés est très accentuée.
La vallée d'Axat et son tributaire le vallon d'Artigues ont été d'abord creusés et élargis par les coulées glaciaires. Le fleuve qui a succédé à ces coulées a remblayé, en partie, ces immenses éraflures, par ses apports de boues et de cailloux roulés, formant plusieurs terrasses dont on voit des restes.
L'action incessante des eaux du lac et de la rivière a rompu, enfin, les digues rocheuses qui entravaient leur course, d'un vallon à l'autre, vers la mer.
C'est là l'origine des trouées de Saint-Georges et de la Pierre-Lys.
Après sa première victoire, a la sortie des gorges de Saint Georges, la rivière débouche dans la vallée d'Axat, où son cours se déroule, dans une allure plus gracieuse, sur un lit de sable et de cailloux.
A son entrée dans les gorges et à sa sortie, l'Aude reçoit le tribut de belles sources. Ce sont les issues des eaux des plateaux supérieurs, captées par les canaux souterrains des grottes et des barrencs ; du haut de la route on les voit sourdre, presque au niveau du courant, en plusieurs griffons, fraîches, intarissables et cristallines en tout temps.
On remarque, avant de sortir du défilé, en amont, cinq plaques circulaires en fonte, au milieu du chemin. Ce sont des ouvertures de puits de mine pratiquées par le génie militaire pour couper la voie, en cas de guerre.
Aussitôt après la sortie, la roche crétacée est remplacée par un affleurement considérable de marbre gris-bleuté : on le dit d'une exploitation difficile. On entre alors dans un petit vallon, aux flancs abruptes. La rive gauche, appelée Vayra, est verte et escarpée. La rive droite appartient à Axat, sous le nom de Sabarac ; elle était autrefois couverte par les eaux d'un lac : c'est un terrain aride, tourmenté et ravagé, en temps d'orage, par le grand ravin de Resclauze.
C'est par ce torrent, ordinairement à sec, que les eaux pluviales ont charrié les blocs erratiques, émergeant çà et là sur la grève, après les avoir arrachés au plateau granitique de Salvezines et du Caunil.
Avant d'arriver à ce ravin, on remarque à environ 60 mètres à gauche et au-dessus de la route, l'ouverture, en forme de porte cochère, de la grotte dite de Sabarac ; elle figure au plan cadastral.
Son accès est encore plus difficile que celui de la grotte de la Chapelle. Il faut grimper sur un éboulis de rocs pointus, marcher en équilibre sur des corniches étroites, sauter de saillie en saillie, gravir en zig-zag des pentes escarpées et pavées de menues pierrailles mouvantes.
On est heureux de pouvoir s'aider du secours d'une touffe de buis accrochée ça et là ; sur ce chemin de chèvres il est bon d'être bien chaussé et guêtre, si l'on veut éviter de s'y meurtrir les pieds ou d'y attraper une entorse.
Nous voilà enfin arrivés au but, le front mouillé de sueur.
La première salle est vaste et sèche. Barthélémy a visilé l'intérieur au moyen de torches, l'an passé. On parcourt, dit-il, une série de corridors et de salles, à plafond plus ou moins élevé ; mais on est obligé de marcher parfois à quatre pattes, pour franchir des boyaux très étroits.
On y admire de belles stalactites et stalagmites; aussi un marteau est bien utile, dans les passages resserrés, pour arrondir celles qui menacent la tête ou les genoux.
A 50 mètres environ de l'entrée, on trouve la bouche d'un petit barrenc, de 50 centimètres de rayon. Les pierres que l'on y jette frappent les parois du puits avec un bruit sourd qui va s'éteignant dans le lointain.
Après quelques minutes d'un repos bien gagné, le plancher stalagmilique a été attaqué résolument avec le pic, à 4 mètres de l'entrée. Il y a là un angle rentrant, sorte d'alcove, très propice à l'établissement d'un foyer préhistorique.
Au bout de quelques efforts, nous avons enlevé des dalles de 5 à 6 centimètres d'épaisseur et mis à nu la couche de sable fin. N'ayant pas les instruments nécessaires pour le déblai, nous avons dû nous contenter de ce sondage superficiel.
Ce travail sera repris l'an prochain, en même temps que l'exploration méthodique des grottes de la rive gauche. Il importe d'aller chercher, au fond de leurs replis, les preuves matérielles de leur occupation par les animaux de l'âge quaternaire.
Ces fouilles apporteront, sans doute, une contribution utile aux richesses d'archéologie préhistorique déjà fournies par le département de l'Aude. On sait que c'est un savant Narbonnais, Tournai, qui a découvert les premières pièces de ce genre, il y a 67 ans (1827), dans la grotte de Bize.
Il est certain que quantité d'autres grottes inconnues existent dans les entrailles des dolomies si pittoresques qui encaissent le lit de l'Aude, d'Usson à Quillan, principalement aux gorges de Saint-Georges et à celles de la Pierre-Lys.
Ne se trouvera-t-il pas, dans le département de l'Aude, un explorateur jeune et assez hardi pour visiter ces souterrains inviolés et ravir leurs secrets ?
Nul doute qu'il n'y mette en lumière ces attractions captivantes, ces découvertes scientifiques qui, grâce à M. E. A. Martel ont fait le renom des causses et avens des Cévennes : Dargilan, Rabanel, Louis Armand, Padirac, les Baumes-Chaudes, etc.
Ces montagnes élevées, ces gorges sauvages produisent grand effet sur l'imagination. Elles évoquent des souvenirs ataviques, elles provoquent des réflexions profondes sur les origines et les révolutions du globe que nous habitons, sur les débuts de l'espèce humaine et son évolution, si contestée. Comme on est loin des conventions raffinées et factices de la vie des grandes villes !
Mais la tension des nerfs amène bientôt la fatigue du surmenage. Aussi, lorsqu'au retour on débouche dans la plaine de Carcassonne, on éprouve une sorte de soulagement, de bien-être. On respire plus à l'aise, ce semble. On est tout heureux de pouvoir promener le regard, d'emblée, sous une vaste coupole de ciel, sur un horizon borné à 50 kilomètres, par la Montagne-Noire et à 100 kilomètres, par les Pyrénées.
Toulouse, septembre 1894.
C. CAUNEILLE, Sons-Intendant Militaire en retraite

À la France : sites et monuments. Pyrénées-Orientales (Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales) de 1900-1906

Gorges de Saint-Georges, entrée Gorges de Saint-Georges, milieu Gorges de Saint-Georges, sortie

DÉFILÉ DE SAINT-GEORGES. ENTRÉE. SORTIE.
L'AUDE DANS LA GORGE. — A 2 kilomètres à peine d'Axat, l'Aude a encore, comme à Pierre-Lys, creusé une gorge véritablement fantastique dans la montagne calcaire qui lui barrait la route. Plus court que la gorge de Pierre-Lys, mais plus impressionnant peut-être, le défilé de Saint-Georges n'est qu'une énorme coupure à pic entre deux monts verticaux d'une hauteur effrayante. L'Aude et la route, souvent conquise sur le lit du torrent, occupent toute la gorge, qui n'a pas 30 mètres de large.
A l'entrée, une puissante usine électrique, mue par une dérivation de l'Aude, faite à Gesse, 6 kilomètres plus haut, produit une force de 6,000 chevaux et distribue la lumière et l'énergie électrique dans toute la région.
L'usine, qui ne manque pas d'intérêt par elle-même, se trouve dans un site magnifique, juste à l'entrée de la gorge du côté d'Axat.
Elle n'en gâte pas le pittoresque, et, pour une fois, l'industrie a respecté la beauté du site, un des plus beaux qui soient en France. L'usine de Saint-Georges distribue l'énergie électrique et la lumière dans le département de l'Aude tout entier. La chute d'eau qui l'alimente est à 70 kilomètres du centre de distribution, d'où partent des dérivations, ayant 30 à 40 kilomètres de longueur.
C'est peut-être une installation unique dans le monde entier, puisque le réseau actueL ne comprend pas moins de 400 kilomètres de canalisation a courant triphasé à haute tension et qu'on prévoit un développement éventuel de 600 kilomètres, avec des distances de 100 à 130 kilomètres de l'usine génératrice aux points les plus éloignés d'utilisation.
La prise d'eau s'effectue par un barrage situé à Gesse, à 60 kilomètres des sources de l'Aude.
L'eau, amenée par un souterrain de près de 6 kilomètres au-dessus de l'usine, forme une chute de plus de 100 mètres de hauteur. Quatre turbines font tourner autant de dynamos et produisent un courant qui passe par des transformateurs d'où il s'achemine par des fils conducteurs qui rayonnent dans toute la région. On a prévu même un développement ultérieur considérable, et l'usine pourrait facilement être doublée bien qu'elle représente actuellement une force de 5,ooo chevaux.


Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude de 1902

Gorges de Saint-Georges excusion SESA

A 2 k. 500 d'Axat nous sommes en face de l'usine hydroélectrique construite sur la rive gauche, à 150m seulement de l'entrée des gorges Saint-Georges, dont elle a pris le nom. La visite de l'usine étant remise au retour de Gesse, nous pénétrons alors dans les fameuses gorges, formées comme la Pierre-Lys, par une brèche dans le calcaire néocomien, dont les parois, distantes seulement de 20 à 25 mètres, sont à pic et d'une hauteur de 300 à 350 m. La longueur de cet étroit couloir est de 500m. La route qui passe dans ces gorges n'a pu être établie qu'à la condition de prendre la moitié de sa largeur dans le rocher et l'autre moitié dans le lit de la rivière. Dans la partie rocheuse elle est en encorbellement formant demi-tunnel ; dans la rivière elle est maintenue par un fort mur de soutènement.
Des chambres de mines ont été pratiquées dans ces gorges pour que la route puisse être détruite facilement en cas de guerre.
A la sortie de ce sauvage défilé, où le soleil pénètre difficilement, on croit revivre : la vallée s'élargit, mais le flanc des coteaux reste nu sur une certaine longueur.


Bulletin de la Société de géographie de Toulouse de 1902

Les plus imposantes et les plus pittoresques des gorges de l'Aude sont celles de Saint-Georges et de la Pierre-Lys, que l'on place au premier rang des curiosités naturelles du département. Dans ces défilés, l'admiration qu'on éprouve n'est pas exempte d'un certain malaise. Dans les gorges de Saint-Georges, dont les parois sont comme de gigantesques murailles de 300 à 400 mètres, faites de mains d'hommes, on est écrasé sous le poids de ces masses formidables; devant les roches convulsées de la Pierre-Lys, fendues du haut en bas, déchiquetées ou arrondies par les intempéries, tapissées de ronces enchevêtrées, on est saisi par leur horrible beauté. On se sent transporté loin des villes et de leur civilisation, loin des hommes, loin des temps présents.
En commençant cet article, nous avions l'intention de relater une excursion dans ces merveilleux défilés, mais nous avions trop présumé de nos forces. Tout récit serait pâle et incolore auprès de la réalité, et nous conseillerons à nos lecteurs de faire et de refaire cette traversée dont nous nous sentons impuissants à aborder la description.
A quel agent attribuer la formation de ces vastes échancrures? Probablement à l'érosion par décollement. A l'époque quaternaire, durant la période des glaciers, l'Aude était sans doute une rivière souterraine qui, peu à peu, a rongé les parois de la voûte sous laquelle elle passait. Les parois schisteuses et argilo-calcaires se sont effondrées sous le poids énorme des couches qui se trouvaient au-dessus d'elles, et l'Aude, avec le temps, a charrié jusqu'à son embouchure ces barrages accidentels qui ont formé, depuis, les alluvions qu'on y voit aujourd'hui.


Annuaire du club alpin français de 1903

Et, comme contraste absolu entre les perfectionnements du progrès et les splendeurs de la nature abrupte, l'usine est assise à la base d'une aiguille majestueuse, à pic, qui ferme la gorge de Saint-Georges, défilé étroit dont les parois resserrées, escarpées comme des falaises, enferment encore l'Aude dans le fond d'une brèche en zigzags que suit difficilement la route. On vient d'admirer la civilisation dans la fièvre intense d'une usine, et on se trouve quelques mètres plus loin perdu dans les profondeurs sauvages d'un abîme grandiose, encaissé de toutes parts par des escarpements de plus de 300 mètres, fendillés et lézardés du haut en bas, et tapissés de chênes verts qui enchevêtrent leurs ramures. En maints endroits, la route est entaillée dans le roc, et la paroi opposée qui surplombe donne la sensation terrifiante d'une caverne sombre, au fond de laquelle gronde la masse bouillonnante des eaux.


L'éclair du 16 août 1939 - Haute vallée de l'Aude - tourisme

Au fond du vallon [d'Axat], la falaise droite, hautaine, monte, infranchissable. La route pénètre, comme un pic, dans le roc formidable.
On pénètre dans la gorge de Saint-Georges : la route surplombe la rivière de quelques mètres à peine, on est dans le lit du torrent ; il faut lever la tête pour voir ce défilé grandiose, véritable boyau, moins haut et moins divers que la Pierre-Lys ; sa beauté étrange vient de son unité de rue étroite où passent la route et la rivière ; toutes les deux ont sculpté leur passage ; ce couloir de sept mètres de large a des parois blanches et unies.

St martin lys - gorges de St georges - L'éclair du 16 Août 1939

Les Gorges de St Georges

Sur la façade de cette levée de falaises de trois cents mètres, quelques chênes-verts accrochent leur végétation, comme des vases à un balcon ; cette rue creusée au-fond de l'abîme, est tortueuse et forme deux courbes qui permettent de mieux voir ce panorama sauvage.

Photos Arthur Batut (1846 – 1918)

2 Photographies d'Arthur Batut vers 1875 - Coll Espace photographique Arthur Batut/Archives départementales du Tarn

St martin lys - St Georges - Arthur Batut 1 St martin lys - St Georges - Arthur Batut 2 St martin lys - St Georges - Arthur Batut 3 St martin lys - St Georges - Arthur Batut 4 (Photos publiées sur le facebook de Dominique Arthur Batut ajoutées à mon site avec son accord, information transmise par Bernard Louvet)

Cartes postales anciennes

je mets ici les cartes que je connais de ces gorges, un peu en vrac... (pas triées particulièrement ni par rapport à la date d'édition ni par rapport à l'approche des gorges - à vous de faire l'exercice...)

St martin lys - gorges de St georges - cpa 1 St martin lys - gorges de St georges - cpa 2 St martin lys - gorges de St georges - cpa 3 St martin lys - gorges de St georges - cpa 4 St martin lys - gorges de St georges - cpa 5 St martin lys - gorges de St georges - cpa 6 St martin lys - gorges de St georges - cpa 7 St martin lys - gorges de St georges - cpa 8 St martin lys - gorges de St georges - cpa 9 St martin lys - gorges de St georges - cpa 10 St martin lys - gorges de St georges - cpa 11 St martin lys - gorges de St georges - cpa 12 St martin lys - gorges de St georges - cpa 13 St martin lys - gorges de St georges - cpa 14 St martin lys - gorges de St georges - carte double notice St martin lys - gorges de St georges - carte double 1 et 2

Carnet de cartes Postales Labouche et frères entre 1930 et 1937

Défilés de Pierre-Lys et de Saint-Georges - Gorges de l'Aude - 12 cartes postales artistiques - Toulouse - éditions Labouche frères, marque LF, entre 1930 et 1937 - Carnet p1 Défilés de Pierre-Lys et de Saint-Georges - Gorges de l'Aude - 12 cartes postales artistiques - Toulouse - éditions Labouche frères, marque LF, entre 1930 et 1937 - Carnet p1 Vallée de l'Aude 22 - Gorges de Saint-Georges, près Axat - photographie Amédée Trantoul 1837-1910 - Toulouse - phototypie Labouche frères, marque LF 1934 - Carte postale p1 Vallée de l'Aude 23 - Gorges Saint-Georges, près Axat - Toulouse - phototypie Labouche frères, marque LF 1934 - Carte postale p1

Photos de la Médiathèque du patrimoine et de la photographie

Les photos de ce paragraphe sont issues de © Ministère de la Culture (France), diffusion RMN-GP - cliquer directement sur la photo pour accéder à la notice correspondantes.

Photos APMH00109654 et APMH00109657 de Louis-Albert Auguste-Dormeuil (1868-1951) - non datées

Gorges de Saint-Georges

Dans les gorges de Saint-Georges

Série du série Touring Club de France - non datée

Dans les gorges de Saint-Georges

Dans les gorges de Saint-Georges

Photos de Marcel Epron (1890-1949) - série "Vues d’Occitanie" - datées du 31/08/1936 - © Donation Meyer-Epron-Gueguen

Gorges de Saint-Georges, cinq passagers posant à côté d’une voiture

Gorges de Saint-Georges, cinq passagers posant à côté d’une voiture

Sujets annexes

L'usine hydroélectrique de St Georges

Randonnée au belvédère des gorges de St Georges

Perso

La principale raison (initiale en tout cas...) de la présence de cet article sur le site consacré à Saint-Martin-Lys, est vraisemblablement que... c'est moi qui ai écrit l'article de Wikipedia sur les gorges de Saint-Georges.)
Mais aussi que beaucoup d'articles de presse mentionnant les gorges de la Pierre-Lys, présentent également les gorges de Saint Georges et donc que mes recherches systématiques sur les unes m'ont amené de la matière sur les autres, que je souhaitais partager - voir ci-dessus.
Ce fut la première entorse caractérisée à ne mettre que des sujets en rapport avec Saint Martin sur mon site (même si avec un article consacré au chef de gare de Lapradelle j'avais déjà un peu digressé). Ensuite j'ai enrichi le site en suivant l'Aude, le Rébenty et autres vallée menant à Saint Martin
Ma logique initiale était d'arriver au moins jusqu'à Gesse... puisque mon arrière grand-père était de Bessède-de-Sault.
Maintenant j'en suis à me demander quand je partagerai en 2 mon site pour permettre le référencement de pages (et de digressions) devenus trop nombreuses

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