Saint Martin Lys
La fin de l'abbaye de Saint Martin de Lez en 1070

vue satellite de St Martin

Vue Satellite géoportail du monastère jusqu'à Artosoul

Le moine Gérald sort en courant, paniqué de l'église ; il faut qu'il prévienne au plus vite frère Romuald, leur supérieur : une robe de Marie, mère du Christ1, la relique la plus précieuse du monastère a disparu. La cloche résonne, appelant au rassemblement dans la grande salle réfectoire ; tous les résidents, ainsi convoqués, s'y rendent. La communauté doit bien compter une cinquantaine de personnes en ce 16 janvier 1069 et tous ont répondus à l'appel.
Romuald demande à chacun d'entreprendre des recherches, il faut absolument retrouver ce vêtement sacré. Toutes les cellules doivent être fouillées, même la sienne. Pour s'assurer que le voleur ne vient pas de l'extérieur, il faut rechercher des traces de pas en particulier près des clôtures du monastère et les suivre si on en trouve.
Mais la pluie continue de ces derniers jours a sûrement déjà tout effacé…
En fin de journée, il faut se rendre à l'évidence, la relique a vraiment disparu. Pas possible de cacher ce larcin au monde : Cette robe, si bien conservée malgré ses 1000 ans, fait l'objet d'un pèlerinage important, les pèlerins s'apercevront de suite de son absence.
Si certaines reliques de l'abbaye sont des donations "récentes" du siècle dernier, cet habit appartenait au monastère depuis sa construction lorsqu'il s'était agit d'établir le christianine dans cette vallée de Bollécarne si connue pour son paganisme.
Il faut de l'aide pour rechercher la pièce dans tout le pays, et informer pour interdire sa revente.
Mais à qui demander de l'aide. Depuis le début du siècle, de par la diminution de la pratique religieuse suite à la non "fin du monde de l'an mil", et surtout à cause de son isolement, l'abbaye n'attire plus de jeunes nobles entre ses murs. Le renouvellement des moines du monastère ne s'est pas tarie pour autant, les populations locales sont toujours attirées par la montagne où Dieu nous parle, dans un monastère qui détient autant de reliques sacrées. Mais sans enfant de la noblesse dans ses rangs, peu de soutien à attendre du pouvoir séculier, avec ses petits seigneurs qui n'attendent qu'un signe pour s'accaparer les biens de l'abbaye.
Rien à attendre de Carcassonne, depuis le décès du père abbé et évêque qui avait consacré l'église il y a déjà presque 25 ans, l'actuel titulaire ne se soucie de l'abbaye que quand il s'agit de percevoir sa dîme. Rien non plus du Vicomte de Fenouillèdes représentant du pouvoir judicière sur ce pagus, il ne leur a toujours pas rendu leurs biens de l'autre côté du col, malgré les procès devant la curie romaine qu'a gagné l'abbaye pour ses terres des environs de Caudiès.
De la réflexion commune des anciens du monastère, la seule solution qui paraît raisonnable est d'informer le comte de Besalù, suzerain du Fenouillèdes dont dépend l'abbaye. Ce comte ne semble pas aussi cupide que son père qui avait tenté de s'approprier l'abbaye, ni aussi colérique que son frère, précédent compte bien connu pour ce trait de caractère et son peu d'intérêt pour le fait religieux. Le moine, désigné par ce collège pour transmettre le message, est Jacques. En effet, celui-ci est tout indiqué : c'est le seul à faire commerce avec les vallées du Fenouillèdes et, même s'il n'y est allé qu'une fois, il a déjà visité le château comtal. Romuald lui remet en main propre la lettre d'appel à l'aide à transmettre au comte, sur laquelle est apposée le sceau officiel de l'abbaye. Jacques devra partir le plus rapidement possible, pour que la communauté ne soit pas accusée de négligence, ou pire de simonie, et ainsi les recherches promptement engagée permettront d'espérer un retour de l'objet sacré.
Aussi, dès le lendemain, à peine l'office de Laudes (premier office religieux célébré à l'aube) terminé, Jacques, équipe sa mule et s'en va, traverse le pont de bois sur l'Aude, déjà gonflée par les grosses pluies de ces derniers jours. Il ne tarde pas à parvenir au nouveau village, celui que les moines on fait s'installer en contrebas de la coulée du col de Saint Martin pour exploiter les grands sapins qui poussent jusqu'au contrefort du plateau des Fanges.
Mais là, dès qu'un des habitants l'aperçoit, il le hèle pour lui demander de venir bénir sa maison, du pourquoi par un temps pareil prendre la route, de venir se réchauffer les mains avant de poursuivre son chemin… Tout le monde le connaît au village, l'apprécie pour sa bonne humeur et pour ces histoires d'un ailleurs qu'il est quasiment seul à connaître et qu'il raconte avec tant de passion. Aussi au soir, il n'en est encore qu'à la maison du meunier, la dernière du village avant d'attaquer la côte du Pas du Taïchou. Aussi ce brave homme ne peut qu'inviter notre moine à passer la nuit chez lui, incapable qu'il serait d'atteindre Artozoul par cette nuit d'hiver.
Jacques attend donc le matin pour repartir, hésitant car la pluie s'est remise à tomber. Mais son sens du devoir lui impose de reprendre la route malgré sa mule rétive qui n'aime pas être mouillée. Est-ce la mule qui le porte ou lui qui tire la bête pendant toute cette longue montée, ses lacets sur ce chemin de muletier qui n'en finit pas de grimper. On ne le saura jamais.
Ce qu'on sait par contre c'est que juste avant vêpres (environ 17 heures), alors que le jour commençait à décliner, un bruit assourdissant s'est fait entendre. Bruit qui a fait sortir tous les gens du village de chez eux et qui s'est entendu jusqu'au monastère, un éboulement au cap de fer avait emporté tous les lacets du chemin du Pas du Taïchou et avait obstrué le ruisseau ; des pierres ont même roulées jusqu'à la maison du meunier sans faire plus de dégât.
Si Romuald a envoyé, de suite, des hommes pour voir si quelqu'un aurait pu se trouver sur le trajet de cette avalanche de roche, personne ne s'est pourtant inquiété pour Jacques car vu son jour... ou l'heure de départ, cela devait faire longtemps qu'il avait dépassé les hauteurs des cols.
Le village fut dès lors encore plus coupé du monde. La pluie avait aussi dégradé les autres chemins menant au monastère, entraînant des chutes de rochers ou des coulées de boue. Les plus simples à remettre en état furent ceux auxquels on consacra les premières énergies. Aussi ce ne fut que courant avril qu'on commença à essayer de rétablir le chemin du Pas du Taïchou vers Artozoul, Duilhac et Lapradelle. Et ce n'est que mi-mai qu'on aperçut des oreilles de mule pointer de sous un amas de rocher. Cette mule, tous la connaissait. Aussi on poursuivit le dégagement avec vigueur jusqu'à trouver le cor désarticulé de Jacques, plus en os qu'en chair.
La communauté de Saint Martin fut très touchée par cette disparition... et ne fut pas très prompte à comprendre que le messager mort, il fallait envoyer quelqu'un d'autre.
Aussi ce n'est que début juillet que Romuald chercha qui serait à même de porter son message à Besalù. Martin Marcerou (ne vous étonnez pas de retrouver ce nom par rapport à une histoire précédente, la population de Saint Martin a longtemps été constituée par plus de moitié de Marcerou) se proposa dès qu'on eut demandé un volontaire. Il avait déjà accompagné Jacques sur les marchés de Caudiès et de Saint Paul, aussi sa candidature fut bien reçue. Un moine aurait été plus indiqué mais tous les coreligionnaires étaient devenus casaniers en rentrant dans les ordres… Romuald donna donc à Martin la lettre retrouvée dans les affaires de Jacques et un habit de marchand pour qu'il ait bonne tenue en arrivant devant le comte, avec consigne de ne le mettre qu'avant d'entrer dans le château comtal pour ne pas le salir.
Martin partit sur l'heure, sans mule car le chemin vers le Fenouillèdes n'était toujours pas praticable pour un tel équidé ; mais un homme à pied aussi jeune et dégourdi que Martin se jouerait de ces obstacles.
Et effectivement, Martin ne mit que cinq jours pour atteindre Besalù. Il avait pu dormir à chaque étape dans un des relais de l'abbaye et même si la traversée des cols vers l'autre versant des Pyrénées avait été longue, la saison s'était assez bien prêtée à ce genre de voyage. Aussi c'est frais et habillé richement qu'il s'est présenté au porte du palais.
Pour être reçu, il montre le sceau de l'abbaye aux gardes de l'entrée. On va s'informer. Qui connaît ce cachet qui ne voyage pas beaucoup ces derniers temps ? Mais la référence à la maison où Martin a passé sa dernière nuit et sa bonne mine finissent par lui ouvrir les portes. Son entrée est remarquée. On le conduit dans une antichambre pour patienter. Ce n'est qu'après deux heures d'attente, seul, éclairée uniquement par deux meurtrières ouvertes sur l'extérieur, qu'on vient le chercher. Il est accueilli dans une grande salle sombre malgré les fenêtres placées en hauteur. Sur une estrade surélevée trois personnes le scrutent, une assise richement vêtue, à son côté droit une autre en aube blanche, la dernière reste en retrait, armée d'une longue épée.
Un sourire accueillant illumine le visage de celui qui est assis, incitant Martin à venir remettre son parchemin. Mais alors qu'il le tend, c'est le religieux qui s'en empare, le décachette et en fait une lecture rapide silencieuse, puis interroge du regard le pauvre Martin qui s'en trouve terrorisé, rouge de confusion. Il se doit d'expliquer, mais quoi ? il ne parle pas catalan. Son occitan n'est pas particulièrement éloigné de cette langue qu'il ne saurait se faire comprendre ; mais en tout cas du latin que doit attendre ce prêtre il ne connaît goutte, ayant toujours préféré les promenades en montagne ou sur les places des marchés visités, aux bancs de la salle d'étude du monastère. Il se lance : “En janvier, nos moines ont…”. Le religieux pointe immédiatement son doigt accusateur : “Envoyé en janvier… Et ce n'est que maintenant que tu nous portes ceci.”
Martin se défend, mais on l'accuse, le parchemin est taché, a souffert du voyage, n'a pas été gardé avec soin, il est évident qu'il est plus vieux avec de l'encre qui a goûté (il faut dire que resté enseveli six mois n'a pas dû aider à sa conservation) . Mais on ne laisse pas à Martin le temps de s'expliquer, les questions fusent à une telle cadence avec cet accent qu'il ne reconnaît pas toujours, qu'il ne comprend plus vraiment ce qu'on lui demande. Même sa riche vêture devient source d'accusation, d'où sort-il l'argent pour ainsi se vêtir ? Est-ce en vendant la tunique de Marie qu'il a pu se la payer ?
Le comte sur son trône, car c'est bien de Bernard dont il s'agit, semble bien s'amuser, même s'il ne participe pas lui-même à l'accusation. Mais il finit par réagir : “Enfin, Frotard, allez-vous le laisser s'expliquer ?” dit-il en latin. Bien que Martin n'ait pas compris le propos, il se sent soudain un allié et le regarde en face pour le remercier. Quelle erreur n'a-t'il pas faite ? De derrière le comte surgit le chevalier, épée brandit. “Pour qui se prend se manant, pour oser lever les yeux sur son prince”. Le comte doit aussi calmer son vassal : “Tout doux Arnaud ! Est-ce la jalousie qui te fait agir avec autant de brusquerie ? Tu sais bien que ce n'est pas lui qui viendra réchauffer mon lit ce soir. Dans le trou perdu où il est né, on n'a pas dû lui apprendre la politesse. ni comment se comporter devant son maître”.
En effet, à Saint-Martin les “maîtres” étaient les moines et n'exigeaient jamais de marques particulières de respect, même Romuald leur supérieur. C'est vrai que quand il était allé sur les marchés avec frère Jacques, celui-ci lui avait parfois demandé de baisser les yeux sans qu'il en ait jamais compris la raison. Et que jusqu'à ce moment de la conversation, il avait été trop intimidé pour relever la tête…
Mais sur ces mots, Arnaud l'emmène directement au cachot… Où il reste pendant bien deux semaines sans voir personne, même quand son geôlier lui passe un bout de pain et un gobelet d'eau à travers la porte. Ce n'est qu'alors qu'on l'amène devant un tribunal d'une dizaine de religieux qui l'entourent, pour être à nouveau interrogé. Mais à nouveau, ses tourmenteurs ne cherchent pas à ce mettre à son niveau, parlent latin sans se préoccuper qu'il les comprenne ou non. Dès cette séance à sens unique terminée on le renferme dans sa prison.
Ce scénario se déroule tous les quinze jours pendant des mois. Martin n'en tient pas le décompte. Il ne parvient toujours pas à comprendre ce qu'on lui reproche, malgré la véhémence des moines qui lui tournent autour avec leur doigt accusateurs toujours pointés vers lui. Il finit par en reconnaître certains, et s'il est certain que le certain “Frotard” assiste à tout, il comprend que ses juges ne sont pas toujours les mêmes.
Pourtant un de ces jours, Frotard se tourne vers lui à son tour et s'exprime enfin en occitan. Il lui demande “Est-il vrai que les moines de Saint Martin vénèrent la montagne ? Est-il vrai que ces moines disent que Dieu leur parle à travers elle ?”. Oui, la montagne parle, Martin l'a souvent entendue. Et chaque fois qu'elle s'exprime fortement tous les résidents du monastère se mettent à genoux pour remercier Dieu du message qu'il leur envoie. Même si lui ne comprend pas tout, il sait que plus elle parle, meilleures seront les récoltes. A ces mots toute l'assemblée se lève et vocifère “hérésie, Hérésie”. Et on renvoie Martin au cachot comme d'habitude, sauf que plus de nouvelle convocation quinze jours plus tard...
Ce n'est que plus d'un mois après que la porte se rouvre enfin. Mais cette fois pour livrer passage au comte Bernard lui-même… qui s'exprime en occitan… “
- Ne soit pas surpris que je connaisse ta langue : ne pas savoir ce que disent nos gens lors des séances d'audition nous met trop en dépendance du clergé traducteur. Je ne pouvais plus le supporter.
Je viens t'apporter de bien tristes nouvelles. Romuald le supérieur de votre monastère est décédé. Nous avons sauté sur l'occasion pour enfin trancher le sort de l'abbaye. Je pense que tu avais bien compris que toutes ces accusations à ton encontre avaient déjà pour but de me convaincre de la mauvaise gestion qui régnait là bas. Mais comme de toute façon l'abbé Frotard me tient par les couilles..., si je peux m'exprimer ainsi. De toute façon, j'aurai fini par lui céder un jour, sous peine d'excommunication. Ton monastère sera rattaché à celui de Frotard pour toujours. Mais finalement c'est une bonne chose, j'ai obtenu la garantie qu'il serait préservé, simplement réformé. Dans sa situation actuelle il ne pouvait pas espérer mieux. Il ne pouvait plus compter sur la protection de personne, de moi encore moins. Il aurait été petit à petit dépecé avant d'être détruit. Mais je ne pouvais laisser l'œuvre de mon grand-père disparaître ainsi.
Je ne t'ai pas oublié pendant tout ce temps, toi et ton joli minois, même si je ne pouvais te rendre visite. Je vais te laisser partir cette nuit. Les gardes te laisseront passer. Tu trouveras une mule attachée près de la porte d'entrée, part sans te retourner. On organisera des recherches demain pour te retrouver et te pendre. Mais je préfère que ce soit toi qui apporte la nouvelle à Saint Martin et que tu convainques tous les moines qu'il est inutile de résister à ma décision. Personne ne les aiderait et même si d'aventure ils tentaient d'en référer au pape lui-même, sur le fait que mes droits sur le monastère n'auraient pas été avérés, cette résistance prendrait trop de temps pour aboutir avant leur disparition.
Mais avant de partir, dit moi s'il est vrai que la montagne de Saint Martin parle ? Dis moi ce qu'elle vous dit ? “
Alors Martin raconte la montagne sacrée, le tonnerre et les chants que produit la montagne, cette parole que seuls les moines les plus expérimentés savent comprendre et comment ils notent tout ce qu'elle leur raconte, ces prophéties pour les années à venir.
“Derniers conseils, lui dit le comte, essaie d'apprendre le latin, cela t'évitera de te faire balader et... tâche de cacher ces livres, ils pourraient être mal interprétés par vos nouveaux maîtres”.
Martin s'enfuit dans la nuit, du plus vite que la mule puisse le porter, sachant que son départ, même s'il avait été organisé par le comte lui-même, serait considéré comme une évasion. Le froid de l'hiver le contraint à progresser, même de nuit, pour éviter de mourir gelé dans la montagne. Il parvient en deux jours à rentrer à Saint-Martin exténué, où ces amis du nouveau village l'accueillent le plus chaleureusement qu'ils puissent, malgré leurs habits de deuil. Ils s'étaient beaucoup inquiétés de son absence, sans nouvelle de lui depuis plus de huit mois. Pourtant ils ont su rester patient jusqu'à ce qu'il soit en état de leur raconter son voyage. Mais l'urgence était de se rendre au monastère.
Martin demande la convocation du conseil des anciens, pour leur faire part des nouvelles de Besalù. Bien sûr tous ces vieux moines s'indignent, s'inquiètent aussi. Ils connaissent les faiblesses de leur monastère. Mais savent aussi qu'il y a à peine vingt-cinq ans que leur nouvelle église est consacrée avec son haut clocher, que les pèlerins restent nombreux et cela malgré la disparition des vêtements de Marie qui étaient jusque là la relique la plus précieuse et qu'ils ont le soutien de la population locale. Leur frère prêcheur peut, en haranguant la foule depuis la grotte sacrée, déclencher une croisade de protection de leur pays : n'est ce pas comme cela qu'ils ont réussi à résister au père de ce Bernard qui veut leur reprendre leur monastère.
Il faut leur rappeler que ladite consécration, puis les prodigalités de l'évêque de Carcassonne, leur prétendument abbé, ont ruiné les finances du monastère. Les petits seigneurs des environs ne rêvent que de s'accaparer des terres appartenant encore à l'abbaye et donc seraient sûrement en mesure de contrer la croisade menée par leurs serfs. La situation du monastère n'est certainement pas dans un état florissant depuis que toutes leurs dépendances des vallées du Fenouillèdes ne leur paient plus de dîme. Rétablir le rayonnement du monastère n'est plus envisageable, garder ce qu'il a encore est quasi impossible sans protecteur puissant. “Et voyez ce qu'un protecteur comme l'évêque de Carcassonne a fait de notre abbaye, pourtant cela semblait une bonne idée de le solliciter. Saint-Pons de Thomières est peut être dirigé par un abbé avide, mais celui-ci s'est engagé en acceptant la donation, à ne pas détruire notre monastère et à maintenir notre règle de Saint Benoît. Pour tenir sa promesse, il sera contraint d'assurer la subsistance aux résidents. S'il a le droit de valider toute nouvelle nomination, il ne peut chasser aucun d'entre nous. Aussi finalement ce changement de tête ne devrait pas bouleverser nos habitudes. Nous ne serons plus une abbaye. Mais en quoi en étions-nous encore une ? Puisque depuis dix ans Romuald, notre supérieur, n'avait même pas le titre d'abbé”. Les membres du conseil sont bien obligés de convenir qu'accepter la domination de Saint Pons ne devrait pas changer fortement leur quotidien. Leur principale crainte est finalement pour la grotte sacrée, “ils” seraient bien capable de la fermer rien que par principe, en niant l'évidence. Oui, les livres qui la cite seront cachés, il y a suffisamment de cavités dans ces montagnes pour qu'on ne les trouve jamais. Mais quel gâchis ! Le conseil, finalement, donne son accord : il ne résistera pas à la décision du petit comte, ils se soumettront à Saint-Pons.
Convaincre les autres résidents fut encore plus difficile, mais tous étaient trop attachés à ce lieu pour partir. Ils durent accepter. L'annonce au village du changement de direction fut aussi très mal accueillie, car la plupart savaient que pour eux elle signifiait la fin d'une certaine liberté. Ils ne pourraient plus garder avec les moines la même proximité. A leur tour, ils devraient courber l'échine devant toute robe de bure qui se présenterait. Qui leur bénirait leur maison maintenant ?
En plus, il fallait cacher Martin, trop impliqué malgré lui dans cette affaire. Reconnu, il serait sûrement pendu. Quel meilleur déguisement que celui d'un moine ? Il accepta de rentrer dans les ordres et de devenir bénédictin. C'est lui qui assurerait le prêche de la grotte sacrée. Elle est suffisamment isolée pour que les gens de Saint-Pons ne tentent pas de s'en approcher.

1Le texte de la consécration de l'église de l'abbaye de St Martin, en 1045, recence un certains nombres de relique conservées dans cette église, en particulier "un nombre non négligeable de pièces de ses précieuses robes" (a sinistris quoque Dei genitricis & perpetuæ Mariæ virginis cum preciosis ex vestimentis ipsius non parvæ: quantitatis partibus).

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